Édito du 21 octobre 2022

 ÉDITO  Victoire illusoire

À deux reprises en moins de 24h, la Première ministre a déclenché l’article 49 alinéa 3 de la Constitution : mercredi sur la première partie du projet de budget pour 2023 et jeudi pour faire passer la partie recettes du budget de la Sécurité sociale sans vote.
De fait, le gouvernement met fin aux débats sur le projet de loi de finances pour 2023. Ce texte est sous-tendu par une idée force : diminuer les impôts. C’est la vieille théorie du ruissellement de l’argent des plus riches qui est censé profiter au développement économique et donc à l’ensemble de la société. Cette politique a été mise en œuvre par Ronald Reagan aux États-Unis et par Margaret Thatcher en Grande-Bretagne lors de la décennie 1980-1990. Au final les inégalités se sont creusées et les plus riches en sont sortis encore plus riches. On voit mal pourquoi en France baisser les impôts des plus aisés permettrait de réduire les inégalités. Mais on l’a bien compris ce n’est pas l’objectif du Président Macron, de son gouvernement et des députés de sa majorité !
Le recours à l’article 49-3 de la constitution va permettre d’adopter le budget sans vote, à charge pour les oppositions de déposer dans les 24 heures une motion de censure, votée dans les 48 heures qui suivent ce dépôt. La motion de censure, si elle était votée, provoquerait la chute du gouvernement. Comme il n’est évidemment pas envisageable pour la gauche de voter le texte présenté par le Rassemblement national, et que logiquement il est peu probable que l’extrême droite vote le texte présenté par la Nupes, le budget sera donc adopté.

C’est pourtant une victoire illusoire du gouvernement Borne car elle s’accompagne d’une défaite idéologique et finalement politique. Cette théorie du ruissellement, cette politique centrée sur l’offre, cette posture anti-impôts sont battues en brèche. Tout d’abord parce qu’à l’initiative des député·e·s socialistes et apparentés de l’Assemblée nationale, la NUPES a déposé un projet de Référendum d’Initiative Partagée visant à soumettre à l’approbation du peuple français la taxation des superprofits. Le Conseil d’État doit rendre son avis avant le 26 octobre. L’issue est incertaine mais même en cas d’avis négatif bloquant la démarche, l’idée aura fait son chemin.

Ensuite, des milliers de manifestants ont tout d’abord défilé le 16 octobre sous la bannière de la NUPES puis le 18 octobre derrière une partie des syndicats pour réclamer une autre politique. De plus, NUPES et syndicats ont décidé de nouer des contacts.

Le plus surprenant est que cette politique de l’État est critiquée à droite. Une vingtaine de députés Les Républicains se sont opposés à la disparition progressive de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Un député Les Républicains de l’Ardèche a déposé un amendement pour augmenter l’« exit-tax » qui impose les plus-values latentes de ceux qui s’établissent à l’étranger pour échapper au fisc.
Par ailleurs, un député Modem des Pyrénées a déposé un amendement visant à la taxation des superprofits. Le plus extraordinaire est que l’amendement a été signé par 19 parlementaires majoritaires du groupe La Renaissance. Et encore plus extraordinaire, cet amendement a été voté contre l’avis du gouvernement. Le ministre de l’économie a indiqué qu’il sera écarté lors de l’adoption du projet final.

Élisabeth Borne connaîtra-t-elle le sort de la première ministre anglaise Liz Truss, obligée de retirer son projet de baisse des impôts des plus fortunés et de présenter des excuses ?

Enfin, c’est une défaite politique d’Emmanuel Macron, confronté à la faiblesse de sa majorité parlementaire l’obligeant à passer par le 49-3 car incapable de trouver des compromis lors des débats parlementaires.

Dominique Raimbourg, Premier secrétaire fédéral